Les directeurs et directrices de La FPH ont toutes les raisons de se mettre en grève.
64 % des agent·e·s de la Fonction Publique sont des femmes. Les questions d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes s’y posent avec une acuité toute particulière, 78 % des agent·e·s de la FPH sont des femmes, il est le versant le plus féminisé et le plus malmené. Conditions de travail dégradées, non-reconnaissance des filières à prédominance féminine, écart de rémunération, difficultés d’accès aux responsabilités… Les directrices ne sont pas épargnées.
L’accès aux chefferies d’établissement chez les DH et D3S, aux emplois fonctionnels, et la non-reconnaissance des corps de direction à prédominance féminine sont particulièrement vrais pour DS et D3S. Ce sont autant de difficultés spécifiques aux corps de direction.
Femmes DH et chefferie d’établissement
En 2022, la part des femmes parmi les DH s’établissait à 51,1 %, contre 78 % pour l’ensemble de la FPH. 21 % des hommes DH sont chefs d’établissement, mais seulement 7 % des femmes DH le sont. La part des femmes est donc 3 fois moins élevée que celle des hommes.
Accès aux chefferies d’établissement : rien à voir avec l’ancienneté.
Pour justifier les écarts de situation entre femmes et hommes DH, le CNG met en avant le différentiel d’âge moyen entre femmes et hommes. Cette explication valable par le passé ne tient plus. L’écart d’âge moyen entre femmes et hommes se réduit à 2,4 ans en 2022 (contre 5,1 ans en 2012).
Surtout, certains indicateurs comparables ne trompent pas. Quand on regarde parmi les DH (ayant une ancienneté comprise entre 30 et 34 ans), 47,5 % d’entre eux sont chefs d’établissement. Si on regarde à présent les femmes DH qui se situent dans la même tranche d’ancienneté (30-34 ans), on se rend compte que seules 18,2% d’entre elles sont cheffes. À ancienneté identique, un homme DH a donc 2,62 fois plus de chances d’être chef d’établissement qu’une femme.
Emplois fonctionnels (EF) à la discrétion… des hommes
Sur 310 EF (chefs et adjoints), 71 % (221) étaient occupés par des hommes et 29 % (89) par des femmes. Emplois attachés aux plus hautes responsabilités hospitalières, ce sont aussi les postes les plus politisés et soumis à l’arbitraire des recruteurs, pas très enclins visiblement à mettre l’égalité professionnelle au cœur de leur décision de recrutement. Les femmes sont sous-représentées de 22 points parmi les EF.
Le plafond de verre de l’accès aux Emplois Fonctionnels
942 femmes DH relevaient des deux grades supérieurs (Hors classe et Classe exceptionnelle), (soit 75 % des DH femmes). 931 DH hommes relevaient des deux grades supérieurs (HC et CE) (soit 77 % des DH hommes). Mais seulement 10,6 % de ces femmes DH (HC+CE) étaient sur emplois fonctionnels contre 23,7 % pour leurs homologues masculins. Chercher l’erreur… Un homme DH a donc 2,24 fois plus de chances d’être sur un emploi fonctionnel qu’une femme dans la même situation statutaire.
D3S : les hommes accèdent plus facilement à la chefferie.
Parmi les femmes D3S, 54 % d’entre elles sont cheffes d’établissement. Parmi les hommes D3S, 68 % sont chefs d’établissement. Il existe donc un différentiel de 14 points en faveur des hommes qui accèdent plus facilement à la chefferie d’établissement D3S. Le corps des D3S étant fortement féminisé (67,4 %), les femmes cheffes sont nombreuses mais sous-représentées. Elles occupent 62,5 % des postes de chefs et 74,6 % des postes d’adjoints.
Directeurs de soins : une mise en extinction silencieuse d’un corps à prédominance féminine
74,1 % des DS sont des femmes et les postes à responsabilité leur sont largement ouverts. Parmi les 84 emplois fonctionnels de DS, 73,8 % d’entre eux étaient pourvus par des femmes. En revanche, c’est l’existence même du corps qui est en danger. Par volonté des pouvoirs publics qui refusent de revaloriser obstinément ce corps à prédominance féminine, l’attractivité s’est dégradée très fortement. Les départs ne sont plus remplacés. Les postes restent vacants, les concours ne font pas le plein, le corps est vieillissant avec des départs massifs en retraite au cours des prochaines années. En clair, on assiste à une mise en extinction silencieuse du corps. En d’autres termes, plus la part des femmes est importante dans un corps de direction de la Fonction Publique Hospitalière, moins ses conditions de rémunération et d’exercice professionnel sont attractives.
La partie immergée de l’iceberg
Au-delà de toutes ces données chiffrées, de nombreux facteurs d’inégalité entre les femmes et les hommes ne sont pas connus avec précision et ne font l’objet d’aucun recueil statistique. Par exemple, nous ne pouvons mesurer la fréquence des violences sexistes et sexuelles. Contrairement aux idées reçues, elles ne régressent pas et touchent les cadres de direction souvent isolés face à ces situations.
Le mirage des mesures gouvernementales
La loi du 19 juillet 2023 a fait évoluer le quota de 40 % à 50 % au 1er janvier 2026 pour les primo-nominations aux emplois supérieurs (instauré par la loi Sauvadet de 2012). Passer de 44 % (chiffre actuel dans la FPH) à 50 % est bien sûr appréciable, mais ne change pas la donne sur le fond. Car la FPH n’est pas composée pour moitié de femmes, mais presque 78 %. Par ailleurs, les emplois supérieurs concernés par le dispositif ne restent qu’une partie très minoritaire des emplois de direction (596 postes en 2022) ; le législateur ayant refusé d’étendre le dispositif à l’ensemble des corps de direction. Il est urgent de prendre en considération les inégalités femmes/ hommes au sein des corps de direction de la Fonction Publique Hospitalière.
Cela passe par une remise en cohérence statutaire, l’unicité statutaire que prône l’Ufmict-CGT depuis 2005, ainsi que l’alignement statutaire qui redonne de l’attractivité pour les directeurs de soins. Cela implique de réinterroger en profondeur les modalités d’évaluation et d’accès aux responsabilités, de remettre en cause le caractère de plus en plus discrétionnaire des avancements sur postes à hautes responsabilités qui pénalise les femmes. Cela implique de disposer de données statistiques complètes sur l’ensemble des situations, et notamment sur les VSS. Cela suppose également la mise en place de voies de recours en cas de discrimination. Aujourd’hui, le CNG fuit ses responsabilités et se limite à l’application des dispositions légales dans le droit-fil de la communication gouvernementale.